Lancée en 1961, la Jaguar Type E (ou E-Type) est rapidement devenue une légende dans l’histoire automobile, associée à l’élégance britannique et à des performances avant-gardistes pour son époque. Considérée comme l’une des plus belles voitures jamais conçues, elle symbolise l’âge d’or des voitures de sport classiques et continue de fasciner collectionneurs et passionnés du monde entier.
Les Origines de la Jaguar Type E : Une Voiture Née de l’Excellence et de l’Ambition
La Jaguar Type E, lancée en 1961, est le fruit d’un long processus de réflexion, d’ingéniosité technique et de passion pour l’automobile. Ses origines remontent à la fin des années 1950, une époque où Jaguar dominait les circuits automobiles grâce à ses succès répétés aux 24 Heures du Mans avec la Jaguar D-Type. Cette expertise en course a servi de base pour concevoir une voiture de route qui incarnerait vitesse, beauté et accessibilité.
Une Ambition Clairvoyante : Une Voiture Pour Tous
À la fin des années 1950, Jaguar jouissait déjà d’une solide réputation dans le monde automobile, notamment grâce à ses modèles XK120, XK140 et XK150. Ces voitures de sport avaient marqué les esprits par leur design élégant et leurs performances. Cependant, Jaguar cherchait à élargir sa clientèle. L’idée était simple mais ambitieuse : créer une voiture qui offrirait des performances similaires à celles des voitures de course, tout en restant accessible à un public plus large.
Le défi était grand : il fallait une voiture :
- Rapide : capable de rivaliser avec les voitures de course de l’époque.
- Accessible : proposée à un prix bien inférieur à celui des Ferrari ou Aston Martin.
- Belle : qui attirerait immédiatement l’œil et susciterait l’émotion.
Le Lien avec la Jaguar D-Type
La Jaguar Type E est directement issue des avancées techniques de la Jaguar D-Type, une voiture de course légendaire qui avait remporté les 24 Heures du Mans à trois reprises entre 1955 et 1957. La D-Type se distinguait par :
- Une structure monocoque légère, un concept avant-gardiste pour l’époque.
- Une aérodynamique optimisée, conçue pour réduire la traînée et augmenter la vitesse.
- Une puissance maîtrisée, grâce à son moteur 6 cylindres en ligne.
Ces innovations, conçues pour la piste, ont été adaptées pour la route. Ainsi, la Type E hérite de nombreuses caractéristiques de la D-Type, notamment son châssis et sa suspension arrière indépendants. Mais Jaguar souhaitait aller plus loin : intégrer ces éléments dans une voiture capable d’être produite en masse tout en restant techniquement sophistiquée.
Les Moteurs de la Jaguar Type E : Tableau Récapitulatif
Série/Version | Type de moteur | Cylindrée | Puissance | Couple | Caractéristiques notables |
---|---|---|---|---|---|
Series 1 (1961-1964) | 6 cylindres en ligne | 3,8 litres | 265 chevaux | ~350 Nm | Hérité de la Jaguar XK150, alimenté par trois carburateurs SU. Accélération 0-100 km/h en moins de 7 s. |
Series 1 (1964-1968) | 6 cylindres en ligne | 4,2 litres | 265 chevaux | ~380 Nm | Couple amélioré pour une conduite plus souple. Introduction d’une boîte synchronisée. |
Series 2 (1968-1971) | 6 cylindres en ligne | 4,2 litres | 265 chevaux | ~380 Nm | Similaire à la Series 1 (4,2 L), avec des améliorations de refroidissement et conformité aux normes américaines. |
Series 3 (1971-1975) | V12 | 5,3 litres | 272 chevaux | ~400 Nm | Premier moteur V12, conçu pour plus de puissance. Consommation élevée mais performances exceptionnelles. |
Les Points Clés des Moteurs
- 6 cylindres en ligne (Series 1 & 2) :
- Connu pour sa fiabilité et sa souplesse.
- Performances adaptées à la route et inspirées de la course.
- Les versions 4,2 litres offrent un couple accru pour plus de confort.
- V12 (Series 3) :
- Moteur innovant pour l’époque, ajoutant un raffinement et une puissance supplémentaires.
- Dédié au marché américain avec des exigences accrues en termes de performances et de confort.
- Capacité à maintenir une vitesse de croisière élevée avec une grande fluidité.
Les moteurs de la Jaguar Type E ont non seulement défini ses performances, mais également contribué à son statut de voiture de sport emblématique. Leur évolution au fil des années reflète un équilibre entre technologie de pointe, puissance brute et adaptation aux besoins des conducteurs.
Le Rôle de Malcolm Sayer : L’Architecte du Chef-d’Œuvre
Malcolm Sayer, ingénieur en aéronautique devenu designer chez Jaguar, est l’homme derrière les lignes emblématiques de la Type E. Avant de rejoindre Jaguar, Sayer avait travaillé sur des projets d’aviation durant la Seconde Guerre mondiale. Son expertise en aérodynamique et en optimisation des formes l’a amené à repenser la conception des voitures.
Sayer croyait fermement en l’idée que chaque courbe d’une voiture devait avoir une fonction. Pour la Type E, il a utilisé des calculs mathématiques complexes pour concevoir une carrosserie qui maximiserait la vitesse tout en minimisant la traînée. Ce travail méticuleux a donné naissance à une silhouette révolutionnaire, alliant beauté et efficacité.
Une Conception Testée à la Dure
Avant son lancement, la Type E a subi des essais rigoureux. L’un des terrains de test favoris de Jaguar était l’ancienne base aérienne de MIRA en Angleterre, où la voiture était poussée à ses limites. Des prototypes de la Type E ont également été testés sur des circuits européens emblématiques, comme le Nürburgring en Allemagne.
Ces tests visaient à peaufiner :
- La tenue de route : La Type E devait être aussi agréable sur une autoroute que dans les virages serrés d’une route de montagne.
- La fiabilité : Jaguar voulait éviter les défaillances mécaniques, même en conduite intensive.
- La performance : La voiture devait dépasser les 240 km/h, une vitesse exceptionnelle pour l’époque.
Une Légende Révélée au Monde : Le Salon de Genève 1961
Le 15 mars 1961, Jaguar dévoile la Type E au Salon de Genève, un événement qui marquera à jamais l’histoire de l’automobile. La présentation est orchestrée par Sir William Lyons, fondateur et dirigeant de Jaguar, qui voulait frapper fort. La Type E est une véritable révélation pour les journalistes et le public.
L’impact est immédiat :
- Un design éblouissant : Les spectateurs sont fascinés par ses lignes sculpturales, comparables à une œuvre d’art.
- Des performances incroyables : Avec un moteur 6 cylindres en ligne de 3,8 litres et une vitesse de pointe supérieure à 240 km/h, elle est l’une des voitures les plus rapides du marché.
- Un prix imbattable : Alors que les Ferrari se vendaient à plus de deux fois le prix, la Type E était proposée à un tarif compétitif, autour de 2 000 £, rendant la performance accessible.
L’anecdote raconte qu’à Genève, la demande pour des essais et des commandes fut si forte qu’une deuxième Type E dut être acheminée en urgence depuis Coventry, en Angleterre. Cette voiture a parcouru près de 1 000 km de nuit pour rejoindre Genève à temps, soulignant la fiabilité de la Type E avant même sa commercialisation.
Les Premiers Succès
Dès son lancement, la Type E rencontre un succès fulgurant :
- Les commandes affluent dans le monde entier.
- Les célébrités, comme Brigitte Bardot, Steve McQueen et Frank Sinatra, deviennent des ambassadeurs involontaires de la marque en se procurant cette voiture iconique.
- Elle reçoit des éloges unanimes de la presse spécialisée, qui la qualifie de « voiture parfaite pour la route ».
Un Design Révolutionnaire : La Beauté et l’Aérodynamisme au Service de la Performance
La Jaguar Type E est bien plus qu’une voiture : elle est une œuvre d’art roulante, une révolution dans le design automobile qui a marqué son époque et continue d’inspirer les designers d’aujourd’hui. En 1961, elle incarne une vision futuriste qui transcende les simples performances techniques pour atteindre un équilibre parfait entre esthétique, efficacité et accessibilité.
L’Aérodynamisme au Cœur du Projet
À l’époque de la conception de la Type E, la notion d’aérodynamisme était encore peu explorée dans l’automobile, sauf dans le domaine de la course. Jaguar, avec son expérience des circuits, a choisi d’intégrer ces avancées dans une voiture de route. Ce travail a été dirigé par Malcolm Sayer, un ancien ingénieur aéronautique passionné par les formes fluides et les calculs mathématiques.
Sayer n’a pas simplement dessiné une belle voiture. Chaque courbe de la Type E a été pensée pour réduire la résistance à l’air, améliorer la stabilité à haute vitesse et maximiser l’efficacité énergétique. Par exemple :
- Le long capot : Optimisé pour réduire la traînée, il dissimule également un moteur puissant tout en conférant à la voiture une allure majestueuse.
- Les lignes fluides et épurées : Inspirées des principes de l’aéronautique, elles évitent tout élément superflu qui pourrait nuire à l’aérodynamisme.
- Les vitres arrondies : Elles réduisent les turbulences autour de la cabine, améliorant à la fois le confort et les performances.
Un Châssis Inspiré par la Course
La Type E emprunte son châssis à la Jaguar D-Type, une voiture de course victorieuse. Ce châssis monocoque, inédit dans une voiture de route, contribue à la légèreté et à la rigidité de la structure, ce qui améliore la maniabilité. L’utilisation de suspensions arrière indépendantes, également rare à l’époque, assure une tenue de route exemplaire.
Un Design qui Éblouit
Lorsque la Type E est dévoilée, elle fait immédiatement sensation. Voici ce qui distingue son design :
- Un Capot Étonnamment Long : Le capot de la Type E est l’un de ses éléments les plus frappants. Il s’étire sur toute la longueur avant de la voiture, symbolisant puissance et élégance. Ce design est non seulement esthétique, mais aussi fonctionnel : il abrite le moteur et les composants mécaniques tout en favorisant le refroidissement.
- Un Toit Courbé et Élancé : Sur le coupé, le toit plonge doucement vers l’arrière, créant une ligne continue qui accentue son caractère aérodynamique. Ce design a également inspiré de nombreuses voitures de sport modernes.
- Des Phares Carénés : Sur la Series 1, les phares intégrés derrière des couvercles en verre renforcent l’élégance du design tout en minimisant la résistance au vent. Ces phares deviendront une signature visuelle iconique, bien que les normes américaines obligent Jaguar à les retirer dans les versions ultérieures.
- Un Habitacle Intimiste : À l’intérieur, l’habitacle est pensé pour immerger le conducteur dans une expérience sportive. Le tableau de bord en aluminium, les cadrans ronds et les commandes épurées sont à la fois fonctionnels et élégants.
- Des Jantes à Rayons : Les jantes chromées à rayons, montées sur des pneus fins, ajoutent une touche de sophistication tout en offrant une légèreté essentielle pour les performances.
L’Impact Culturel du Design
Le design de la Type E ne se contente pas de séduire les passionnés d’automobile. Il transcende les frontières du monde automobile pour s’imposer comme une référence culturelle :
- En 1996, la Jaguar Type E est intégrée à la collection permanente du Museum of Modern Art (MoMA) à New York, aux côtés des créations les plus marquantes du design industriel.
- Elle devient rapidement un symbole de statut et de goût raffiné, prisée par des célébrités comme Brigitte Bardot, Steve McQueen, et Frank Sinatra.
Un Design Accessible, mais Visionnaire
Ce qui distingue la Type E de ses concurrentes, comme Ferrari ou Aston Martin, c’est son rapport qualité-prix. À une époque où les voitures de sport de luxe étaient réservées à une élite, Jaguar parvient à rendre l’excellence esthétique et technique accessible à un plus grand nombre.
Les Évolutions : Series 1, 2 et 3
- Series 1 (1961-1968) :
- Phares carénés, moteur 3,8 puis 4,2 litres.
- Disponible en versions coupé, cabriolet et coupé 2+2.
- Première voiture de série équipée de freins à disque aux 4 roues.
- Series 2 (1968-1971) :
- Phares non carénés pour répondre aux normes américaines.
- Améliorations au niveau du confort et du système de refroidissement.
- Une version plus raffinée mais critiquée pour l’abandon de certains éléments esthétiques du Series 1.
- Series 3 (1971-1975) :
- Introduction d’un moteur V12 de 5,3 litres, offrant une puissance accrue.
- Modèle uniquement disponible en cabriolet et coupé 2+2.
- Conçue pour le marché américain, ce qui explique une carrosserie légèrement plus imposante.
Des Anecdotes Fascinantes
- Une présentation chaotique à Genève : Lorsque la Type E est présentée au Salon de Genève, elle fait une telle sensation que Jaguar doit acheminer en urgence une deuxième voiture pour satisfaire les journalistes et les acheteurs. Cette deuxième voiture, conduite de nuit depuis Coventry jusqu’à Genève, arrive tout juste à temps.
- Icône de la pop culture : La Type E devient rapidement une voiture prisée par les célébrités. Des figures emblématiques comme Steve McQueen, Frank Sinatra et George Harrison des Beatles l’ont possédée.
- Une voiture dans l’espace ? Une légende urbaine prétend qu’un fan de la Type E aurait envoyé une miniature de la voiture dans une fusée amateur en hommage à sa passion pour cette automobile emblématique.
- Le rôle des femmes dans la Jaguar Type E : Une pilote de course, Norma Goodwin, a contribué à tester les prototypes sur des circuits avant la mise en production, apportant des ajustements précieux pour améliorer les performances.
La Fin d’une Légende
La production de la Type E prend fin en 1975, remplacée par la Jaguar XJS. Cependant, sa popularité reste intacte. Aujourd’hui, la Type E est une voiture très prisée des collectionneurs, avec des modèles bien entretenus se vendant parfois pour plusieurs centaines de milliers d’euros.
Un Héritage Intemporel
La Jaguar Type E n’est pas seulement une voiture ; elle est une œuvre d’art sur roues. En 1996, elle entre dans la collection permanente du Museum of Modern Art (MoMA) à New York, reconnaissant son statut d’icône du design industriel.
Pour beaucoup, la Type E symbolise l’union parfaite entre esthétique, innovation technique et plaisir de conduite. Que ce soit sur les routes sinueuses de la Côte d’Azur ou dans un garage de collectionneur, la Jaguar Type E reste un joyau inégalé de l’histoire automobile.